mardi 19 février 2013

À l’origine de la cure du Docteur Fauteuil, il y a le Père Baril

« C’est sûr que les pauvres et les chômeurs adhèrent totalement à l’université. »

Qui aurait cru que certains défenseurs du projet « Nouvelle Cuisine-Nouveau Bœuf » iraient jusqu’à prétendre que le rêve de la plupart des gens d’ici était de fouler d’un pied flatteur une pelouse parfaite sous le regard ébaubi de la Juventus de Turin? Lors de la nomination, en avril dernier, du nouveau recteur de l’Université du Québec à La-Pointe-Au-Brochet, on aurait pu croire que la Révolution industrielle était inévitable. Deux semaines plus tard, lors d’une entrevue diffusée dans tout le village via satellite, par le réseau Câblo-Brochet, Monsieur Fernand Mollet, fille d’épicier méthodiste qui à la suite d’une opération plus chirurgicale que divine devint fils répudié et maintenant recteur de l’UQALPAB, déclarait : « C’est sûr que les pauvres et les chômeurs adhèrent totalement à l’université. »


Une enfance à l’eau de Vichy


Il en a coulé de l’eau sous les ponts depuis ce jour de 1962 où Adèle Mollet (née Brochu), traversant le pont couvert de La-Pointe-Au-Brochet en compagnie de Fernande, sa petite fille alors âgée de 8 ans, s’arrêta brusquement (« d’un coup sec! » nous racontera près de cinquante ans plus tard la petite fille devenue désormais un gros monsieur chauve), pour s’agenouiller devant sa petite fille qui hennissait d’un rire gêné et lui annoncer brutalement :  « Tu comprends ma petite? Hein, tu comprends que c’est pas toujours facile d’amener la pitoune au moulin? Ta maman, elle en peut plus, faut qu’elle aille voir le Père Baril. » On imagine sans peine la consternation de la frêle enfant aujourd’hui encore habité(e) par la vision de sa mère, les deux genoux dans la slotche, son pâle visage se détachant dans la pénombre du pont couvert, tendu par l’angoisse. Malgré sept longues années de malédiction sous la férule du Père Baril, Fernand Mollet est aujourd’hui le florissant recteur que l’on sait et, qui plus est, un ardent défenseur des vertus « quasiment miraculeuses », comme il l’affirmera lui-même, de la cure du Docteur Fauteuil, cure dont il fit la découverte un sombre après-midi de novembre 1965 par un hasard ahurissant, mais écoutons-le plutôt…
« Heureusement, elles se font de plus en plus rares. »

La chance le prend pour un matelas


« Parmi les idées qui me viennent le plus souvent, il y en a une au sujet des institutions qui me fut sans doute inspirée par mes douloureuses expériences au sein de la petite communauté dirigée par le Père Baril, à savoir : plus il y a de fous, moins ils rient. Cette découverte fut à ce point capitale dans ma vie qu‘encore aujourd’hui, lorsque je croise une bonne Sœur dans la rue, je tente invariablement de siffloter « L’Air des bijoux » en me mordillant une oreille. Heureusement, elles se font de plus en plus rares. Je sais bien que ça a l’air complètement idiot, comme ça, à vue de nez, et qu’un tas de gens n’y verront qu’un tissu d’énormités mais ce n’est rien, vous devriez me voir après deux grosses bières; je te vous enfile un de ces laïus sur le déclin de la polygamie christique comme havre privilégié d’une certaine Foi prétendument féminine, je vous dis pas…» 

Il racontera ensuite, avec toute la verve qu’on lui connaît, comment une inondation providentielle lui fit découvrir de quelle façon des milliers d’amnésiques avaient recouvré la vue grâce aux méthodes mirobolantes du Docteur Fauteuil. Mais aujourd’hui, les choses ne sont plus les mêmes à La-Pointe-Au-Brochet.
« Le spectre nous a rattrapés! »

L’architecte-ingénieur concepteur de la serre intellectuelle surchauffée


« Le spectre nous a rattrapés! », tels furent les premiers mots de la Mairesse à l’annonce de la nomination surprise de Fernand Mollet à la rectoration, à la rectitude, bref au Rectorat de l’Université. L’immense chemin de terre en fer à cheval menant de la route à la route en passant par la somptueuse demeure de la Mairesse, Madame Vera Rinfrette, était en ce jour étincelant de pluie, encombré des nombreux véhicules des notables de la petite (ou gros) ville (ou village), notables par ailleurs, et assez curieusement, moins nombreux que leurs véhicules. Une joie décadente liée au déclin des lumières de l’Histoire barbouillait les visages (qui bovin, qui rougeaud) et c’est dans cette ambiance d’apogée austro-hongroise que les jets d’eau d’une fontaine tombée là par hasard jaillirent dans l’œil interloqué de la municipalité.

Amenée à trancher sur la « souhaitabilité » (sic) de maintenir en poste Monsieur Mollet, célèbre dans tout le village pour sa défense enthousiaste des vertus thérapeutiques de la cure bien connue du non moins Docteur Fauteuil, la Mairesse consulta publiquement Orson Cotten, autorité municipale en matière d’éthique académique et de monuments tape-à-l’œil, qui s’exprima (en substance) en ces termes : « Il est prévu dans le texte du Traité de neutralité que les jets d’eau arrivent à peine à dissimuler le désarroi. »

« Une impression d’irréalité qui, il y a à peine quelques années, aurait été impensable... »

Un mandat difficile certes, mais un beau défi


Déchirée par un conflit dont l’origine autant que la portée lui échappe manifestement, la population de La-Pointe-Au-Brochet se tourne désormais vers ses façades remplies d’urnes, de guirlandes, de figurines et de vidanges. « Une impression d’irréalité qui, il y a à peine quelques années, aurait été impensable devrait commencer cet automne », de conclure Monsieur Mollet, l’œil flamboyant et l’extincteur à la main.

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