samedi 28 décembre 2013

Bogue

(En souvenir d’une catastrophe annoncée pour un certain 1er janvier…)



















Que sont ces cris cette tourmente
Quelle est cette pauvre agitation
Et ces hommes livides orgueilleux et froids
Malades fiévreux frileux et seuls
Tous seuls
Dans leur silence framboise surgelé

2000 contrats de guerre
2000 dossiers égarés
2000 merveilles suspendues
2000 pas rachitiques perdus
2000 cheveux fous se cramponnant

à des noces enfumées

samedi 21 décembre 2013

L’art qui dérange enrichit le savoir

Langage et connaissance étant inextricablement liés, cette dernière abriterait une incomplétude aussi pernicieuse qu’inavouée sans la constante déconstruction, par les pratiques artistiques subversives, des sophistications langagières qui nous incitent insidieusement à identifier la chose à sa représentation.

samedi 14 décembre 2013

Tandis qu’à la cuisine s’immisce un mouvement de surprise…

Un après-midi qu’il gelait très fort, l’écœurante odeur de l’évier devinait qu’on ne l’observait pas. Elle revint dans la salle à manger. Atteignant le haut de l’escalier, elle ressentit la nécessité d’être ferme en toutes circonstances, nécessité, est-il besoin de le rappeler, que l’âge rendait d’autant plus pénible. La bonne humeur ne fit d’abord pas attention à l’écœurante odeur de l’évier. Mais elle montra du doigt un endroit qui devenait furieux, debout près de la table. C’était quelque chose d’indéfinissable, une expression hagarde faisant place à un air absorbé, les cheveux en désordre. Le silence de la pièce n’était pas comme avant. L’idée affreuse lui coulait des tempes et chatouillait ses joues. De longues mèches de cheveux gris trahissaient la hâte. Sa manière un peu rude se présentait à l’imagination. Un bruit à la cuisine les fit tressaillir. Avant qu’on ne s’aperçoive de sa présence, un mouvement de surprise épluchait ses légumes…

dimanche 8 décembre 2013

Air connu


connais-tu une chanson qui commence par un verre glacé
bu sans joie et sans rire
une chanson reprenant gauchement son sérieux
pour s’éteindre décoiffée
sans rien dire

dimanche 24 novembre 2013

Insidieuse fatuité

Le malheur est que le fil à retordre de la destinée humaine n’est jamais que l’aplomb factice de la dérision.

Les contents-de-soi, comme dans un rêve agité, y déploient la fièvre guerrière de leurs instincts aigris par la dévotion aveugle et inconsciente pour les contents-d’eux.



samedi 16 novembre 2013

Question d’Halloween (en retard)


dirons-nous de l’imaginaire
à travers le vaste royaume de l’ennui
où le symptôme hystérique
sollicite violemment le vertige abyssal
qu’il opère à l’instar de la négation
dans le domaine propre au déplacement symbolique?

lundi 11 novembre 2013

Lucide lundi

















Le mauvais goût d’une bouche pâteuse, la lourdeur des jours à venir et le vide des deux derniers pourtant si vites passés sont d’une étonnante intensité dans la cervelle embrumée et douloureuse d’un être anonyme le lundi matin.


samedi 2 novembre 2013

Le torrent

Franchement, je ne sais pas du tout ce qui m’a pris. Au début, forcément, j’ai cru que j’avais un genre de grippe ou une espèce de rhume, enfin je ne sais pas moi, un machin quelconque, vous voyez? Je me trimbalais un crâne de trois tonnes, avec cette vision grand-angle, vous savez, et aussi cette inconcevable euphorie, carrément déplacée vu les circonstances… je vous assure, j’y ai vraiment cru à cette histoire de grippe! Au début en tout cas… Parce qu’évidemment, par la suite, et en toute honnêteté, ça ne tenait pas terriblement le coup, comme explication… Remarquez, c’est pas que j’y tienne tant que ça non plus, moi, à m’expliquer, ça non, mais bon, puisque de toute façon on est là et puis, aussi, ce qui est fait est fait, alors quoi? Après tout, je m’en fous, moi. D’abord, on a tout de même un peu forcer la dose avec toute cette histoire, vous croyez pas? Bon, d’accord, d’accord, c’est vrai, on ne se jette pas comme ça en pleine rue, en plein jour, à la face de tous en hurlant comme un perdu, pour ensuite foncer bille en tête sur le premier venu et lui foutre une commotion sans plus d’explication, mais quoi, merde, je vous l’ai dit, j’avais ce truc, enfin vous savez, cette grippe qui n’en était pas une ou je ne sais quoi, oh et puis zut! De toute façon, le premier venu, c’est vite dit ça, hein, parce que, tout à fait entre nous, hein, ça n’a pas traîné qu’on me tombe sur le paletot après ça, alors vous repasserez, non mais, avec votre premier venu à la con! Bon, bon, ça va, ça va, je m’excuse, je sais, je sais, c’est vraiment pas la peine de l’insulter en plus, mais bon, c’est vrai quoi, vous m’énervez à la fin avec toutes ces questions et puis, en plus, voila la fièvre qui me reprend…

Bon, bon… Voilà à peu près exactement ce qui s’est passé. Mais je dois quand même, pour commencer, vous reparler de cette grippe-machin-fièvre qui me reprend parce que quand ça m’a pris, que cette voix, je veux dire la mienne, ma propre voix mais, vous savez, qui s’adresse à vous comme si vous étiez quelqu’un d’autre et alors j’étais là tout suant avec le tournis et tout et il y avait cette chose, enfin cette impression absurde, vous savez, complètement à côté de mes patins, d’être, je ne sais pas moi, d’être comme invincible, mais non, c’est pas tout à fait ça, pas vraiment immortel non plus mais plutôt, comment dire, vous savez, qu’on ne pouvait pas m’atteindre, oui c’est ça, que rien, absolument rien ne pouvait vraiment m’atteindre, je veux dire, on pouvait m’avoir ou me réduire en bouillie ou n’importe quoi mais de toute façon ça n’avait pas la moindre importance, je resterais comme qui dirait en dehors de ça, vous me suivez? Bref, j’étais dans un état lamentable tout en pétant littéralement le feu à l’intérieur avec la cervelle qui cherchait à me sortir du crâne et aussi cette voix grotesque, ma propre voix, froide, impersonnelle et hystérique toujours à m’injecter les flammes de son délire ou le mien, je ne sais plus mais c’était dément, c’était délicieux.

Comment? Ah oui, ce que je me racontais, oh bof… Je ne sais pas moi, n’importe quoi, des conneries, tenez, par exemple, je pouvais rester des heures, je vous jure, des heures, assis au bord de mon lit poisseux, à fixer le mur tout jauni avec des craquelures minuscules, vous savez, sans même battre des cils et je, plutôt ma voix me répétait des machins invraisemblables, genre, heu… : dérisoire mon vieux de pleurer/ dérisoire l’infinité de tes existences possibles/ dérisoire mon vieux/ dérisoire de s’asseoir pour pleurer/ dérisoire de mourir/ dérisoire de mourir mort à soi/ dérisoire mon pote/ dérisoire et rasoir/ dérisoire/ dérisoire; enfin des inepties dans ce goût-là, je ne me souviens vraiment pas mais vous voyez quand même le style. Ou alors je sortais et j’arpentais la ville à une cadence ahurissante, toujours à marmonner je ne sais quoi, effrayant les passants qui pourtant en voient bien d’autres; je pouvais partir de chez moi comme ça, au milieu de l’après-midi, et traverser toute la foutue ville du nord au sud en passant par le mont Royal que j’escaladais en quatrième vitesse, grimpant carrément à flanc de montagne pour aboutir crasseux et dégoulinant de sueur devant les abrutis interloqués venus faire une pause carte postale au fameux belvédère de mes fesses et après ça je traversais le sommet en flèche pour redescendre finalement quelque part dans l’ouest et aboutir sans jamais m’en rendre tout à fait compte au milieu de la chic populace de la rue Sherbrooke et je fendais la foule, pouilleux, minable et sentant le rance, ne voyant rien n’y personne, n’entendant que cette voix folle que je ne reconnaissais déjà plus et tout d’un coup je prenais, comme ça, sans crier gare, une conscience démesurée, douloureuse, des gens qui me croisaient, de leurs regards torves, englués de peur et de mépris et ma voix se gonflait en moi, se fracassait sur les parois de mon crâne, regarde-les, mon pote, regarde-les bien, observe la cadence infernale, tous autant qu’ils sont, tu m’entends, tous, ils se consument en pure perte comme de braves petites machines de merde, et tout ça dans un seul et unique but, mon pote, hein, et toi tu le sais, et moi je le sais, mais eux, ces enfoirés, ils n’en auront jamais l’ombre d’un soupçon, pas vrai, ces tarés ne s’épuisent que pour produire ce qui leur manquera toujours désespérément, de l’esprit mon vieux, oui, du pur Esprit! Et je me répétais ça et me le répétais sans arrêt jusqu’à ne plus pouvoir me contenir, un bonheur délirant et absurde, démesuré, cherchant à fendre ma peau pour s’échapper, je ne sais pas, j’aurais voulu m’arrêter au beau milieu de la rue, les forcer tous à s’arrêter pour enfin leur dire, leur dire, heu… Hum! Eh bien, heu, justement, arrivé à ce point de ma dévorante euphorie, je n’arrivais même plus à me rappeler ce que je pensais à peine quelques secondes avant et heu, qu’est-ce que j’étais en train de raconter, là?

Ah oui… Hum! Bref, je m’exaltais à m’en faire péter les viscères, j’étais sur la rue Sherbrooke, en début de soirée je crois, la sueur dans mes cheveux couvrant mon front d’espèces de rouflaquettes ridicules et heu, brusquement, j’ai croisé le regard de ce type, heu vous savez, le type à qui heu, eh bien hum… bref, celui à qui j’ai un peu fendu le crâne, non mais je le regrette, je le regrette, je le regrette, je vous le jure sur la têt… Hum! Bon… Alors, ça va, ça va, je continue, je continue, j’ai donc croisé son regard tandis que je me répétais mon histoire de machines et d’esprit et tout, vous savez, et paf! un grand trou noir m’a aspiré la cervelle et la voix, d’un seul coup, et je suis resté planté là à tanguer sur le trottoir, propulsé hors du temps, habitant la lumière irritante de ce regard où perçait un petit rire moqueur, oh, à peine perceptible. Ma voix fut alors remplacée par la sienne, mon délire par le sien et je l’ai littéralement entendu penser, en me voyant : MACHINE!

Après, je ne sais plus, vraiment je vous jure, je ne me souviens de rien, je n’en peux plus, je suis fatigué, j’ai soif, je veux m’étendre, dormir, je peux avoir de l’eau? Mais non, je vous assure, je ne cherche à rien gagner du tout! C’est vrai, je sais, vous me l’avez dit et redit et re-redit que je m’étais jeté comme un enragé sur ce pauvre type, pardon! c’est pas ce que je voulais dire et puis merde, je vous ait dit que je regrettais et que c’est vrai que je le connaissais pas et que je ne sais vraiment pas pourquoi je lui ai fracassé le crâne sur le trottoir, si vraiment je l’ai fait, et qu’est-ce que ça peut vous foutre de toute façon, je n’en peux plus moi… Et puis d’ailleurs, je n’ai qu’à arrêter de penser et pouf!, vous voilà disparus!



samedi 26 octobre 2013

Utiliser le mystère de la passion sans souffrir la moindre redite

À la recherche du spectacle (para)normal des recyclages distingués, je n’appartiendrai au remue-ménage du monde qu’en débordant de l’obscurité des distributeurs de savoir.

J’avance donc, tournant le dos à l’infâme dissolution de l’imaginaire, presque héroïque, anachronique brûlant quêteur d’éternité consolatrice.



samedi 19 octobre 2013

Résolution velléitaire

Je ne doute certes pas du pouvoir de la volonté. Simplement, j’entretiens avec la volition une relation malaisée : j’aurais voulu vouloir...

samedi 12 octobre 2013

Qui a eu cette idée folle?

Vint ce jour où d’éminents pédagogues soulevèrent enfin cette troublante question : Comment s’expliquer que la créativité occupe une si maigre place – pour ne pas dire : rigoureusement aucune – dans notre « système d’éducation »? Tous les problèmes, en effet, qu’ils soient techniques, technologiques ou scientifiques (sans parler, bien sûr, de création artistique) sollicitent d’abord la créativité de celui ou celle qui y est confronté. Et aucune méthode de résolution de problèmes, si sophistiquée soit-elle, ne se réduit à une mécanique reproductible sans faire appel à cette précieuse faculté. Que se passerait-il donc, se demandèrent-ils fort judicieusement, si l’école insistait autant sur le développement de la créativité que sur celui de la mémoire ou du raisonnement? Nous avons enfin la réponse : les élèves s'inventeraient une infinité de moyens d'échapper à l’école…



dimanche 6 octobre 2013

La séduction de l’impossible

          *

des chants étranges
dans le silence
modulent sans bruit
la mélodie de l’ombre

          *

sans souffler mot
porter le calme universel
sans le cri des bêtes
puiser l’espoir au bord des rêves
sans la moindre lumière
piétiner l’impossible

          *

je ne sais pas si dans la mer
expulsée du ventre bouillonnant de l’ultra-désir
un langage fluide
électrique
phosphorescent
ruisselle en vain
aux improbables frontières de l’incohérent

mais

un ouragan brise mon reflet
hante mes aurores
je respire des trop-tôt
vomis des trop-tard
de tristes nébuleuses glacent ma joie
et pour finir
j’écris ceci

          *

puisque la vive lumière pleure et chante
puisque la seule vertu est impudique et brûlante
puisque sous les traits de la force pourrit l’épouvante
puisque les bouches pour hurler se mordent
tremblantes
je murmure mon cri

          *

je suis étendu dans la rue vide
sous l’arbre doux
auprès du mystérieux plaisir de l’absence

je suis étendu sous l’utopie soumise
des embrassades impossibles
auprès du triomphe insolent de l’absence

je suis étendu dans un coin sombre
sur la terre froide
auprès d’une cité éteinte
l’absence

          *

le cou tordu
les yeux pleins de désastres
des flammes de joie
au bord des lèvres
chassé des beaux soirs
des rires de lune
fantôme des désirs
qui passent en fuyant
entre la tempe et le genou
loin de tout
des sanglots de l’envergure
des sursauts du silence
de la lumière à ras de terre
à rebrousse-poil de l’élan
sans profondeur
sans douleur
je repousse les lendemains

          *

les flots amers
la prolifération des murs
le battement rompu de l’aile
le masque absorbant de la mort
se partagent mon immobilité

          *

les soupirs rebondis
simples chants du vide
brillent sans remords
impassible tendresse
démentes déchirures
persistance désemparée
de l’espace glacé

          *

j’eusse préféré
l’enseigne négligée de ma nuit
l’inutile forteresse du non-sens
la foire corrompue de l’orgueil
à la voix solennelle et ambiguë de la vérité
soulevant imperceptiblement son masque



*



*


*


*


samedi 28 septembre 2013

Sylvia au bout du rouleau ivre (des fois c’est cool aussi d’être dans les patates)


Tout le monde n’est pas comme ça, assurément, mais beaucoup d’entre nous, une bonne majorité je crois bien, ont tendance à souhaiter que les choses se passent comme prévu, qu’elles soient au plus près de ce qu’ils les avaient souhaitées. Outre que ça n’arrive à peu près jamais, à moins d’avoir cette plate propension à ne vouloir que le plus prévisible, c’est une erreur. D’abord, c’est assez présomptueux. Quoi, la vie n’aurait rien de mieux à nous offrir que ce que notre pauvre imagination nous suggère? Ensuite, et plus prosaïquement, l’attente, la prolongation du désir donnent à sa satisfaction une intensité d’autant plus grande. Élémentaire constatation certes, mais constamment battue en brèche par le désir lui-même, toujours furieusement pressé de s’anéantir dans la fugace béatitude d’être comblé.

Tout ça pour dire que je suis de ceux qui se jouent constamment des tours à eux-mêmes, se créent perpétuellement, sans s’en rendre compte, les plus invraisemblables obstacles. Et j’ai réalisé récemment que je m’étais encore fait le coup, avec un livre de Mistral. Pour une raison qui me reste assez nébuleuse, je m’étais imaginé que Sylvia au bout du rouleau ivre était une de ces raretés, vous savez, ces livres exceptionnels qui pour toutes sortes de raisons ne sont pas réédités. En fait, c’est ce que l’employé de la librairie où je l’avais commandé m’avait affirmé : aaah, heeeeu… désolé, celui-là n’est plus disponible. Moi qui brûlais pourtant de le lire depuis que j’en avais appris l’existence je ne sais plus trop où ni comment, des années auparavant en tout cas, je n’ai pas pris la peine de vérifier alors que le gars ne me semblait quand même pas super dégourdi question pitonnage au moment de prendre ma commande… Non, fidèle à moi-même, je me suis plutôt imaginé, après des années d’une quête aussi pugnace que désespérée, tombant enfin dessus par chance, miracle ou bénédiction. Alors que tout ce temps, il était à portée de main, disponible chez le libraire le plus près de chez moi… heu… pas vraiment… disons : le plus près ET capable de passer une osti de commande comme du monde!!!

Bref, chose du passé que tout ceci, là ça y est, je l’ai eu, je l’ai lu et j’ai pas été déçu!

Bien au contraire. Et je me félicite même d’avoir été tout ce temps dans les patates. De n’avoir connu le bonheur de lire ce livre-là qu’à ce moment-ci. En 2001, au moment de sa parution en volume, à coup sûr, je n’en aurais pas apprécié toute la finesse (je vous raconterai peut-être un jour dans quoi je pataugeais à ce moment-là). Encore moins lors de sa première publication en revue, en 1988 ou dans ces eaux-là… D’ailleurs, vous imaginerez sans peine, à la lumière de ce qui précède, ma jubilation en constatant qu’il s’ouvrait sur cette citation de Gabriel Marcel :

Nous employons constamment dans la vie courante le verbe « se tourmenter », sans d’ailleurs suffisamment prendre garde à tout ce qu’implique ici la forme pronominale; car « se tourmenter » c’est vraiment être son propre tortionnaire. En réalité, rien n’est plus important que de s’interroger sur ce paradoxe, c’est-à-dire de se demander comment il peut se faire que nous devenions dans certains cas – et cela de la façon la plus active – notre propre ennemi. Cette possibilité ne peut être qu’enracinée profondément dans notre structure.

À ceux qui ne l’ont pas lue, je ne dirai rien du propos de cette remarquable novella; je vous invite plutôt à en faire vous-mêmes la découverte. Sachez simplement que c’est une œuvre de jeunesse, écrite en un mois, à l’âge de 21 ans. Évidemment Mistral est un précoce, on le sait, mais considérant le chemin parcouru de Vamp à Léon, Coco et Mulligan notamment, c’est sûr qu’en ne la découvrant qu’aujourd’hui, mon intérêt premier relevait plutôt d’une curiosité à l’égard de son parcours, de la genèse de son œuvre; c’était pour moi une sorte de complément à Origines

Dans les patates, encore une fois! Le style, l’éblouissante maîtrise de l’écriture y étaient déjà à un degré auquel je ne m’attendais pas (oui, bon, j’imagine bien qu’entre le texte original de 1985 et la version de 2001, il a quand même dû y avoir quelques retouches), mais il y avait plus… Passé l’entrée en matière – épisode fortement onirique sur fond carcéral, toute trace de romantisme post-adolescent s’est rapidement dissipée pour céder la place à un récit vif et puissant, nourri d’une profondeur et d’une maturité qui, en y repensant après coup, me laisse totalement ébaubi. Je vous en mets juste un petit bout, pour vous donner une idée :

On passe la moitié de son temps à pécher et l’autre à quêter l’absolution. Le péché de l’homme contre sa propre intégrité est pourtant le seul vrai péché, immuable, universel. Et le pardon n’est pourtant pas de ce monde, qui fait appel à des concepts étrangers à notre nature; il est déjà un péché contre l’intégrité. Inventer Dieu, dans ces conditions, était très malin. Quant aux êtres d’exception qui apprennent, au prix d’une rigoureuse discipline de l’esprit et de l’anéantissement systématique de tout ce qui relève de la conscience morale, à se gracier eux-mêmes, ils n’ont rien de plus pressé que d’assassiner Dieu, qui coûte trop cher à nourrir quand il ne sert à rien.

Ouf!

samedi 21 septembre 2013

L'épreuve du temps

L’enracinement est long. Tout ce temps la croissance est ingrate. Pénible.
L’épanouissement rencontre la maturité. Solidement.

L’éclat éblouissant d’une fertilité précoce. Emportée à la
première
bourrasque.

dimanche 15 septembre 2013

La dictature de l'œil

























Il y a dans la fixité de l’image toute la perversion de l’œil dominateur. Fixer le réel, c’est nier la précarité où son être cherche péniblement à prendre corps.

au premier plan
la mort de tout ce qui bouge
l’emprisonnement de tout ce qui par sa vie même
menace la vie du regard

Pourtant, il suffit d’une main comme flottante, absurdement rattachée à la limite soudain arbitraire de l’image pour que jaillisse le trouble, l’insatisfaction de l’œil chancelant maintenant, ivre de ce qui lui échappe.

à l’arrière-plan
le vertige
une simple trace
le point par où la vie
s’enfuit

samedi 7 septembre 2013

La mince frontière entre expressionnisme et nombrilisme

En art, s’exprimer ne veut rien dire, seule compte la création d’un monde où l’on puisse entrer...


samedi 31 août 2013

Envoûtement céleste

En attendant Spinoza, je vous raconte ça comme ça pour rien, histoire de faire une pause, mais sans pub; alors voilà, j’étais bien assis sur ma galerie (mon balcon quoi), au soleil, le vent frais, bruissements délicieux, tout ça… Je tenais Rimbaud à la main (enfin vous voyez ce que je veux dire) et j’ai bien vu que je n’étais pas poète. Les gradations, les nuances infinies de bleu, les violets et les oranges au-dessus de ma tête… C’est fatal. Mon regard s’arrache aux mots – toujours ce même sentiment : l’univers sollicite ma dissolution pour célébrer son éclosion à travers mon épiphanie. Je sais bien, ça ne veut rien dire mais j’ai pas pu résister, pour le son… Non, je veux parler de l’infini qu’on ressent, pas celui qu’on pense (bon, pas la peine d’en faire la démonstration, je me doute bien qu’il suffit d’y penser assez longtemps pour conclure inévitablement que l’infini ressenti est un leurre – pour la pensée). Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire, mais il y a des moments d’adhésion viscérale où l’on atteint la pleine conscience des incessants appels de l’univers. Oui, il me semble bien que l’univers nous invite sans relâche à l’expansion par le démantèlement. Et j’en arrive à ne plus douter que c’est précisément la constance et l’intensité de notre résistance (par le degré de concentration de l’énergie atteint) qui détermine l’impact et la portée du seul développement possible : la dispersion de soi dans le tout. Mais bon, je dis sans doute tout ça jusse parce que chus trop feignasse pour lire et que ch’préfère avaler les mouches en regardant le ciel…

dimanche 25 août 2013

Comment je me suis retrouvé définitivement dehors

On m’avait appelé. Je me levai, me dirigeai à la suite d’un gros lard (nan, pas le même que l’autre fois, mais un genre de clone là quand même; ils les faisaient en série dans l’temps, éparpillés partout où tu te ramasses quand t’as pu trop une cenne), un gros lard (GL) dis-je donc, avec cernes sous les bras, que je suivis dans le dédale des cubicules. Le GL me dit de m’asseoir et disparaît. Côté décor, rien de palpitant. Les inévitables affiches défraîchies : sempiternels attributs du «boss», humour fumeux sur la cigarette avec, dans un coin, l’Égypte ou Tahiti aux couleurs délavées. GL revient. Tripote un tas de papiers (mais qu’est-ce qui peut bien, à mon sujet, occuper tant d’espace?) constituant mon « dossier ». GL semble perdu dans ses pensées. Le regard trottinant dans le lointain, il reste là, bouche entrouverte, gobant l’air épais en de pénibles inspirations. Je me racle d’abord discrètement la gorge. Rien. J’insiste. Toujours rien. Je toussote enfin jusqu’à m’époumoner pour de bon. L’œil éteint, la graisse inerte, il se jette enfin à l’eau.

– Alors, monsieur Bouffard, quel est votre problème?

Là, je dois dire qu’il me colle à ma chaise. Cloué net.

– Eh bien, heu… Vous m’avez convoqué et heu… Alors… je ne vois pas très bien…

– Pouvez-vous me dire, monsieur Bouffard, quelles sont, d’après vous, les raisons pour lesquelles vous ne trouvez pas de travail?

(Pas l’ombre du soupçon de la plus infinitésimale trace d’un reste de semblant quelconque de sourire ou d’humour stoïque, ben ben sérieux.)

– Et bien… Ma foi, heu… Hum! On peut sans doute supposer que la combinaison malencontreuse d’un certain nombre de facteurs contingents a vraisemblablement donné lieu à heu… disons…

– Avez-vous, au cours des derniers jours, entrepris des démarches précises dans le but d’obtenir un emploi, monsieur Bouffard?

C’était bien ce que je craignais… Je m’étais vaguement préparé, j’ai donc débité ma salade, oui oui, je me suis rendu ici, et là, et là aussi mais vous savez ce que c’est, les emplois sont rares, les candidats nombreux… mais je persévère, je ne perds pas espoir et ainsi de suite jusqu’à ce que GL me balance dans les pattes : « Avez-vous les noms et coordonnées exactes des personnes que vous avez rencontrées? » Et comme, bien évidemment, ma réponse se fit nettement vaseuse, GL largua mon cas les doigts dans le nez en m’avisant que je devrais dorénavant me présenter tout les quinze jours avec la liste complète des personnes rencontrées et au suivant! Quand il en a eu terminé, il m’est littéralement passé au travers pour aller chercher (j’imagine) le volumineux dossier d’un autre être ténu qu’il allait réduire encore un peu plus pour en augmenter d’autant l’aliment des classeurs.

En repassant dans la vaste salle d’attente, je restai accablé devant le spectacle de ces silhouettes avachies et spectrales, ces visages absents avalés par des soucis informes, ces masses inertes abandonnées par avance au sort que leur réservent des automates ventrus également soucieux et absents.

J’évitai l’ascenseur et la promiscuité pour m’échapper par l’escalier de service. Après avoir déboulé deux étages d’une seule traite, mon élan se trouva brisé par une porte grillagée soigneusement cadenassée. Apparemment, on n’avait pas retenu l’éventualité d’une indispensable évacuation d’urgence. Bon. Je me dirigeai vers la porte de palier et l’ouvris.

ILS étaient là. À nouveau…

ILS me lancèrent l’habituel regard implorant, une main tremblante (et ayant maintenant atteint un répugnant degré de décomposition) m’enjoignant de refermer immédiatement la porte.

Ce que je fis. Glacé de sueur.

Je remontai sans toucher les marches pour me retrouver haletant et moite devant l’ascenseur qui m’engloutit presque aussitôt. Une fois à l’intérieur, je retrouvai mon calme. Relativement. J’étais à nouveau entouré de la torpeur du quotidien incarné avec brio (et toute la sobriété que la chose implique) par la masse des anonymes dont les regards creux me rendaient à ma transparence, à mon néant.

(Car, transparent, je le suis vraiment. Je le suis devenu. Peu à peu.)

Une fois dehors, je suis envahi par le vacarme, la poussière et les mélanges gazeux suintant de la fébrilité citadine. À la chaleur déjà lourde de l’été s’ajoute celle plus oppressante et viciée des véhicules qui s’agitent de droite à gauche et de gauche à droite sans qu’on arrive jamais à saisir où ils peuvent bien tous aller comme ça, sans arrêt. Je marche un peu mais bientôt je suffoque. Après m’être acheté un journal (pour apaiser un puéril sentiment de culpabilité), je m’engouffre dans un café. Fraîcheur.

J’attends une éternité en épluchant les petites annonces avant qu’un serveur ne me remarque (après que je lui aie pratiquement arraché un bras). D’ailleurs, deux filles sont entrées entre-temps et l’une d’elle a bien failli s’asseoir sur moi. Ho! Pardon… Elle ne m’avait pas vu. En plus, l’endroit est, à cette heure, à peu près vide…

On ne croirait pas à quel point, pour peu qu’on s’y arrête, notre consistance tient à peu de chose. Il suffit que la peinture s’écaille à la surface du masque et avant que vous ayez réalisé ce qui se passe, le plâtre se fend et votre mascarade s’étend toute entière émiettée à vos pieds; vous voilà livré aux vents violents qui emportent bientôt le peu de substance qu’il vous reste. (Perdez seulement votre emploi et qui êtes-vous désormais? Anonyme parmi les anonymes, vos vêtements s’éliment, votre personnalité pâlit à la mesure de votre teint barbouillé de repousses rugueuses; une végétation sauvage envahit votre visage où la culture peu à peu s’efface.)

En regardant à travers une des fenêtres crasseuses qui donnent sur la rue, j’aperçois un robineux qui se parle à lui-même en tripotant une poubelle. Il me fait penser à la petite fille incroyable qui habite à trois portes de chez moi. Tous les matins je l’entends jacasser à tue-tête, toute seule, tout le temps toute seule d’ailleurs… Quand je la croise, j’essaie plutôt de l’ignorer, pas trop envie qu’elle me colle aux basques, m’élise comme public; quand même, elle a une de ces volubilités et t’invente des trucs, j’ai du mal à ne pas pouffer. Et puis, il y a autre chose.

La petite fille a de grands yeux dont l’éclat vous transperce. Elle est si frêle qu’elle semble tout juste assez forte pour porter sa lourde tête. L’incandescence du soleil éclate à la surface de sa chevelure embrasée. Elle est assise dans les marches, au bord du trottoir, et elle parle. Elle parle. On dirait qu’elle parle dans le vide. À rien. Mais elle parle vraiment à je ne sais pas trop qui ou quoi en fait…

– Tu sais là… Le messieu là… Ben, le messieu, hier, il m’a quasiment souri!

– Oui, je l’ai vu. Je crois qu’il m’a presque vue aussi…

Je me levai, me dirigeai vers les toilettes.

J’avais à peine ouvert la porte qu’aussitôt l’odeur de putréfaction m’envahit. Leurs visages étaient grouillants d’asticots désormais. J’ai refermé la porte d’un coup sec, le cœur dans la gorge.

Livide, je reste quelques minutes à la caisse, essayant d’attirer l’attention pour payer. Rien n’y fait. N’y tenant plus, je sors sans payer. J’évite de justesse le serveur me fonçant droit dessus. Sans me voir.

Mais qu’est-ce qui m’arrive?

Les gens sur le trottoir ne font pas le moindre mouvement pour m’éviter.

Évidemment, j’ai bien remarqué qu’à partir du moment où je me suis retrouvé sans emploi, livré à moi-même, déjà on ne m’accordait plus la même attention, à l’épicerie, à la banque, même ceux que je prenais pour des amis…

Je devenais gênant. De moins en moins d’argent pour sortir, d’abord, et puis ensuite, cette manie que j’avais d’introduire des interrogations embarrassantes dans la conversation. J’ai même cru que je représentais une sorte de menace. « Ébranleur de certitudes » je m’imaginais… mais non. J’étais plutôt un branleur embourbé d’incertitude. Pas d’anecdotes à raconter sur telle ou tel au bureau, je ne lisais pas les journaux ni seulement regardais la télévision, alors… De quoi donc aurait-on pu parler? Curieusement, on ne m’évitait pas. Non. On se contentait simplement de m’accorder de moins en moins d’attention, jusqu’à ce que ma présence devienne indiscernable de mon absence… Seulement moi (je n’y peux rien, c’est mon tempérament), je prends les choses aux sérieux. Au pied de la lettre même.

Mais là, je prends peur. Qu’on ait à peu près complètement cessé de me voir (de me percevoir même), ça, je peux toujours m’en arranger. De toute façon, ça risque d’être plutôt pratique, d’un certain point de vue. GL et ses semblables, par exemple, ne risquent plus de m’emmerder mais…

Mais EUX me voient toujours.

Je marche. Je pourfends les passants qui n’en ressentent plus guère qu’un vague courant d’air. Je marche. J’approche de chez moi. Et j’ai peur. J’ai peur de ce qui m’attend. Derrière la porte.

J’ai peur de grossir LEURS rangs. Pour toujours.

Ah mais quand même, tout près de chez moi pourtant, il y a encore quelqu’un qui me voit. Cette incroyable petite fille qui jacasse sans arrêt. En plus, on dirait bien qu’elle m’a dans sa mire. De jours en jours, elle me sourit davantage, me regarde droit dans les yeux avant de se tourner vers je ne sais pas qui ou quoi pour poursuivre son monologue. Je n’ai encore jamais rien vu de pareil.

– Regarde. Le messieu. Il s’en vient.

– Oui. Et cette fois, il te rendra ton sourire. Je crois même qu’il restera avec nous…

À vrai dire, au début seulement j’ai cru qu’elle parlait toute seule. Son sourire si franc, si direct, me gênait. Et comme à chaque fois la gêne me faisait détourner les yeux, j’ai peu à peu remarqué l’ombre tout près d’elle, longue et mince, chaque jour plus nette, plus précise…

En tournant le coin de la rue, je l’aperçois. Je les aperçois. La petite fille bloque ma route de son incontournable sourire. Tout à côté, il y a ELLE, qu’aussitôt je reconnais en dépit de sa diaphane silhouette éclaboussée de lumière. Je la vois toute entière à présent. Tandis que mon regard s’abandonne au sien, je sais que je n’ai plus rien à craindre d’EUX. Je sais que plus jamais je n’ouvrirai de porte. Plus jamais je ne m’enfuirai devant le spectacle des prisonniers d’eux-mêmes s’enivrant des vapeurs de leurs chairs putréfiées.

Je reste dehors. Et je n’y serai plus seul.

Dehors les miens m’attendent. Nous sommes innombrables…

samedi 17 août 2013

Déculturation poétique

« La poésie qui échappe à la culture, et dont les manifestations demeurent sauves, au sein de n’importe quelle absence de liberté, est une notion dont notre époque en pleine déroute spirituelle a depuis longtemps perdu la clef. Et il me paraît important de ne jamais parler de l’esprit que je considère comme absolument étranger aux systématisations de la culture, sans lui adjoindre cette notion de l’énergie poétique pure qui est devenue la flamme même de l’esprit. »

Antonin Artaud


vendredi 9 août 2013

Ma réponse au Dalaï-Lama (en guise de divertissement estival)

À une époque pas si lointaine, il était courant de recevoir par courriel des messages d’origines diverses qui avaient cette vertu prétendue qu’il suffisait de les faire parvenir dans un délai donné à un certain nombre d’amis pour, soit connaître le bonheur, soit éviter une malédiction ou une autre. Une connaissance – qui manifestement ne me connaissait pas tant que ça – eut donc l’idée saugrenue de me faire parvenir ce qui suit, accompagné des directives et mises en garde d’usage. Un message du Dalaï-Lama lui-même, était-il précisé. Téméraire en diable, je me contentai de lui retourner (et à l’ensemble des destinataires) une réponse toute personnelle destinée au légendaire bodhisattva, manière d’exégèse improvisée... Je précise que nul malheur ne m’accabla, quoi qu’on en dise, suite à ce sacrilège. Au contraire, c’est plutôt ce sporadique correspondant qui disparut comme par enchantement - oui, bon, l’incendie de mon appartement et la perte de mon emploi quelques jours plus tard n’ont strictement rien à y voir, pas plus que l’apparition soudaine de cette insoutenable brûlure accompagnant chaque visite à l’urinoir (là, je peux vous jurer que j’en connaissais très bien l’origine et croyez-moi, si elle avait présenté la moindre ressemblance avec le brave chef spirituel, si sympathique qu’il me fût, jamais j’aurais chopé un truc pareil!)… Voici donc, en primeur, cette modeste tentative herméneutique, à ce jour réservée à un public choisi par un étourdi dont c’est d’ailleurs le seul souvenir qu’il me reste – gloire lui en soit rendue!

INSTRUCTIONS POUR MENER VOTRE VIE

1. Tenez compte du fait que le grand amour et les grandes réussites impliquent de grands risques.

Mais n'oubliez tout de même pas que de grands risques n'impliquent ni amour ni réussite.

2. Lorsque vous perdez, ne perdez pas la leçon.

S'il se trouvait que vous la perdiez malgré tout, ne la cherchez pas en vain, c'est moi qui l'ai.

3. Suivez les trois R : Respect de soi-même; Respect des autres et Responsabilité de tous vos actes.

Et aussi le quatrième : Retournez vos bouteilles vides.

4. Souvenez-vous que ne pas obtenir ce que vous voulez est parfois un merveilleux coup de chance.

Ça c'est vrai, je peux en témoigner, même si c'est parfois douloureux : quand j'ai voulu rentrer dans la police, elle s'est tassée et... vous connaissez la suite.

5. Apprenez les règles pour savoir comment les transgresser correctement.

Par exemple : apprenez à interpréter le concerto pour clarinette de Mozart à la perfection et ne jouez systématiquement que « Marie avait un mouton » à la flûte à bec en omettant soigneusement le troisième « un mouton » à tous les coups.

6. Ne laissez pas une petite dispute meurtrir une grande amitié.

Mais ne vous privez pas non plus du bonheur d'une grandiose dispute pour une amitié à la noix.

7. Lorsque vous réalisez que vous avez commis une erreur, prenez immédiatement des mesures pour la corriger.

Spécialement si vous êtes tailleur ou arpenteur.

8. Passez un peu de temps seul chaque jour.

Autrement vous risquez des poursuites en justice pour « grossière indécence ».

9. Ouvrez vos bras au changement, mais ne laissez pas s'envoler vos valeurs.

Bref, ne tenez pas vos valeurs dans vos bras (surtout les titres, et par grand vent).

10. Rappelez-vous que le silence est parfois la meilleure des réponses.

No comment.

11. Vivez votre vie d'une façon bonne et honorable. Ainsi, lorsque vous vieillirez et que vous regarderez en arrière, vous en profiterez une deuxième fois.

Sinon, soyez une ordure faussement progressiste : ne regardez qu’en avant tout en profitant du fruit de votre malhonnêteté passée.

12. Un foyer aimant est la fondation de votre vie.

Un foyer d'accueil en est la destination.

13. Dans les désaccords que vous avez avec ceux que vous aimez, ne vous occupez que de la situation actuelle. Ne réveillez pas le passé.

Les historiens devront bien sûr éviter scrupuleusement de s'aimer entre eux.

14. Partagez votre savoir. C'est une manière d'atteindre l'immortalité.

Pour autant que ce savoir ne soit pas d'un mortel ennui.

15. Soyez tendre avec la Terre.

Ouais ben, on voit que c'est pas vous qui risquez de finir sous forte médication pour avoir fait des saloperies dans le jardin de la voisine.

16. Une fois par an, allez quelque part où vous n'êtes jamais allé auparavant.

Mais pas tous en même temps là quand même!

17. Souvenez-vous que la meilleure des relations est celle dans laquelle l'amour que chacun porte à l'autre dépasse le besoin que vous avez de l'autre.

Heu… attendez là, je suis un peu embrouillé. J’aurais besoin d’une autre à laquelle chacun devrait porter un amour qui dépasse mon besoin, c’est ça? Déjà, j’aimerais bien que chacun ait l’amabilité de foutre la paix à cette autre dont j’ai besoin. On va clairement l’exténuer si on s’y met tous. Chacun son tour, quoi, merde! 

18. Jugez vos succès d'après ce que vous avez dû sacrifier pour les obtenir.

Si j'ai sacrifié mes succès, je fais quoi?

19. Approchez l'amour et la cuisine avec un abandon insouciant.

Si vous voyiez le bordel dans ma cuisine, pour l'amour, vous y penseriez à deux fois...

Et mon bienveillant correspondant d’ajouter, pour conclure : Je sais aussi que les rêves se réalisent vraiment...

Ben oui, je le sais aussi : y suffit de rêver aux bons trucs. Tenez, je rêvais justement d’une panoplie complète de conseils bidon; et vous?



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(Avant que quelque ardent défenseur de l’harmonie universelle ne me jette l’anathème, je précise que je ne raille nullement le Dalaï-Lama lui-même, pas plus que son enseignement, mais simplement cette idée que la sagesse puisse se propager sous la forme d’une liste d’épicerie, douteusement traduite de surcroît…)

vendredi 2 août 2013

La première caractéristique des Grands Maîtres est que leur enseignement excède leur pensée

Je me souviens à ce propos d’un grand maître d’aïkido, laudateur méditerranéen de l’abyssale sagesse orientale. Il nous avait communiqué, lors d’un mémorable hiatus, tout le mépris qu’il vouait aux sourires en coin, ricanements et autres manifestations d’ironie, cette caricature d’humour pétrie d’ego, apanage des esprits encore inaptes à l’Éveil. Dans son dojo, seul le rire franc et ouvert était toléré! Déclaration que j’accueillis, candide adolescent que j’étais alors, sans réussir à réprimer un sourire aussi léger qu’inconvenant. C’est que, chacun ayant ses limites, le grand maître n’eut pas conscience que nul n’était besoin d’être passé maître soi-même en matière d’art dramatique pour réaliser ce que son propre rire « franc et ouvert » lui avait coûté d’efforts et de répétitions…

vendredi 26 juillet 2013

Je reviens à un monde plus grand

œil-réveil
qu’un rire secoue
sourire-cristal
sur oreiller

apprendre à vivre avec toutes choses
n’avoir pas le moindre souvenir
souffrances ou plaisirs
être vraiment joyeux

je passe à l’improvisation
fou rire
chair de poule

dans le lointain
peu de changements
la distance baignée de lumière
ivre d’elle-même



samedi 20 juillet 2013

Postérité

























L’Art, nous le savons, est une vaste loterie : c’est à celui qui déniche le truc qui alimente les fantasmes soutenant « l’élite » pendant le plus longtemps possible.

(Un point de vue qui, apparemment, place Sade en bonne posture…)

dimanche 14 juillet 2013

Tracé au Diamant

au seul commandement de l’esprit
par les seules lois de sa nature
dans la cour
un enfant joue
lecteur du futur
le bien et le beau indifférenciés
un enfant joue
la dissolution
le vertige
hors la loi
le corps au repos
l’esprit
un temple
pas plus la pensée absolue
qu’un entendement fini
ou infini
c’est une expérience ininterrompue
sacrée
à travers le profane
l’odeur pénétrante de la terre
la réalité lui échappe?
mais non
rien à défendre
encore moins à prouver
il avance à travers les éclairs et la foudre
tracé au diamant
par-delà le spectre de l’Autre
en sursis
sans le savoir
sans la fausseté
qui le rejoindra bien assez vite
sans les idées adéquates
mutilées
confuses
nécessaires
pour échapper à la punition
au rejet
à la honte
patiente et tenace
un petit trou dans le néant
le bien assimilé à l’être
les puissances mauvaises
en suspens
absorbées
au profit d’une calme plénitude

le moment abstrait du dépassement
exige sa propre disparition


lundi 8 juillet 2013

Égotisme de dernier recours

« Moé, c’est survivre; j’ai pas de comptes à rendre à parsonne! »

Quelqu’un m’a dit ça. Avec beaucoup de conviction.
Encore un utopiste qui s’ignore...

dimanche 30 juin 2013

Propagation


en un sens
qu’une seule idée
tombe malade
et c’est l’esprit
tout entier
qui devient souffreteux

vendredi 28 juin 2013

Trouver sa juste place exige une lucidité à l’égard de soi qui, sans être de l’humilité, n’est pas exempte d’une certaine modestie…

DE LA VANITÉ DES ARTISTES. – Je crois qu’une trop grande vanité fait ignorer aux artistes ce dont ils sont le mieux capables : leur esprit vise à quelque chose de plus altier que de paraître seulement de petites plantes nouvelles, étranges et belles, capables de croître sur leur sol dans une réelle plénitude. La production dernière de leur propre jardin, de leur propre vignoble n’est appréciée par eux que de superficielle façon : leur compréhension n’est pas du même ordre que leur amour. Voici un musicien dont la maîtrise plus que celle d’aucun autre excelle à trouver les accents propres aux âmes souffrantes, oppressées, martyrisées et même à donner le langage aux animaux muets. Nul ne lui est comparable dans les nuances de l’automne avancé, dans la félicité indescriptible d’une ultime et toute fugitive jouissance; il sait une résonance particulière à l’intime étrangeté des minuits de l’âme, où cause et effet paraissent se disjoindre alors qu’a tout instant quelque chose peut naître du « néant » : plus heureusement que tout autre il puise à la source souterraine de la félicité humaine et pour ainsi dire à la coupe vidée de cette félicité où les gouttes les plus âpres et les plus amères finissent par se mêler aux plus douces; il connaît cette lassitude de l’âme qui se traîne et ne sait plus bondir ni voler, ni même marcher : il a le regard effarouché de la douleur cachée, de la compréhension inconsolable, de la séparation inavouée; oui, en tant que l’Orphée de toute secrète détresse, il est plus grand qu’aucun autre et, d’une manière générale, il a enrichi l’art de maintes choses qui jusqu’alors paraissaient inexprimables et même indignes de l’art, de celles que la parole ne pouvait qu’éluder – réalités demeurées insaisissables, infimes et microscopiques de l’âme : en effet, il est le maître des réalités infimes. Mais il refuse de l’être! Son caractère aime bien plutôt les grands murs et les fresques audacieuses! Il lui échappe que son esprit a un autre goût et une autre propension et préfère résider silencieusement dans les recoins de maisons effondrées : – c’est là que dissimulé, et dissimulé à lui-même, il peint ses chefs-d’œuvre proprement dits, qui, tous fort brefs, ne durent souvent que le temps d’une mesure, – ce n’est que là qu’il se montre grand et parfait, uniquement là peut-être.  – Mais il l’ignore! Il est trop vaniteux pour le savoir.

Nietzsche (Le gai savoir)

lundi 24 juin 2013

Tragicomique

Drame. Quelques phrases, des gestes lents. À la frontière provisoire du jour. Nous vivons par déclinaisons successives. Puis, brusquement, grande apparition rouge vif! Sans cri ni violence. Tristesse rayonnante sur fond noir. Foudroiement silencieux de la grisaille. Éveil à la fois très long et très court. Le corps total s’incline.
Pourtant.
Ouvrir les yeux. Se tenir droit au cœur de la vibration enchevêtrant les jours et les nuits. Dérive de l’horreur, déroute des peurs. Nos têtes étonnées ballottées sur un fil. L’effritement général n’est plus TOUT L’HORIZON. Comédie.

vendredi 21 juin 2013

bon ben moéssi j’y vas a’ec ma toune de pré-saint-jean…

comme j'arrive pas, osti!, à insérer la vidéo que j'veux a'ec le gogosse de blogger, v'là l'lien (d'apras moé, ça vaut ben un tit clic ou deux...):

http://www.youtube.com/watch?v=TcGTIiSf6FQ

- Ajout du 23 juin, merci à Michael, voici la vidéo intégrée:

dimanche 16 juin 2013

Petite mort

la morsure des cris
fous
sans limite

la douceur des paupières
muettes
sans image

l’état
tremblant
du monde

au moment même où

son souffle trouve
d’instinct

l’image
irréelle

de son corps emporté




dimanche 9 juin 2013

Philo 101

Sans doute entre-t-il dans toute « vocation philosophique » une large part de vénération passionnée pour l’Erreur Sublime et Monumentale (Courageuse, en somme...).


dimanche 2 juin 2013

Plumigenèse

Je suis retombé sur un texte ancien, qui avait une toute autre vocation, et j’en ai extrait un petit bout touchant au processus de création que je vous livre ici - entre autres parce qu’il illustre parfaitement un échange récent là-dessus avec La Rouge :

J'étais donc chez moi en train de me débattre avec un portrait de Gainsbourg que j'essayais désespérément de peindre (ça n'a l'air de rien, je sais, mais rendre avec justesse l'esprit qu'abrite une gueule aussi typée, c'est pas de la tarte, surtout que là, on parle de quelqu'un qui a vraiment tout fait pour masquer sa sensibilité)… Bref j'étais là, un pinceau dans chaque main, un autre dans la bouche, me précipitant dans la salle de bain avec mon barbouillage à la main pour le foutre sous la douche une énième fois (j'utilise un papier diablement résistant), histoire d'éliminer quelques couches partiellement séchées, pour introduire un peu d'aléa dans le processus, je ne sais trop, enfin, invoquer les puissances hasardeuses pour que se révèle enfin à moi ce que je cherchais sans trop savoir ce que c'était, vous voyez? Bref, je suais sévère pour qu'enfin la fièvre m'habite et que se dénoue l'énigme Gainsbourg que j'étais à m'inventer. Comme ça se passe toujours, j'ai carrément perdu la tête et dans la fougue j'ai totalement oublié Gainsbourg pour faire éclater la couleur et la vie; et merde si à la fin c'était pas lui! Vous pouvez imaginer la tronche que ça lui a value… Vaguement extraterrestre… J'étais pas mécontent du résultat quand même; bon, d'accord, c'était pas du tout ce que je voulais faire au départ, mais alors là pas du tout, je lui avais d'abord peint un arrière-plan soigneusement choisi pour bien illustrer son rapport aux femmes assez contradictoire, il me semble (je veux dire : l'image publique d'un côté, et ses rapports réels avec les femmes de sa vie de l'autre), et voilà qu'à la dernière seconde j'avais couvert tout ça d'un jaune vibrant où dansaient des formes aux accents vaguement africains… Et vous savez quoi? J'ai mis un certain temps à m'en rendre vraiment compte, mais j'avais peint Gainsbourg dans la peau d'un Noir! Et le fond, les motifs, tout ça, ben c'était tout bonnement de vagues réminiscences de la peinture de Miles Davis… J'ai pas du tout vu venir le coup mais "Black Gainsbourg", Gainsbourg-Davis, je crois pas que ce soit une association purement fortuite, vous voyez?





















Une bonne dizaine d’années plus tard, si jamais quelque lecteur d’alors se retrouvait ici, il découvrirait que cette digression n’était pas une simple stratégie textuelle, mais que j’étais réellement, et tel que décrit, en train de me batailler avec ce truc…

Bon, j’avais l’air d’avoir finalement abouti à une quelconque révélation, mais franchement, là, aujourd’hui, la relation Gainsbourg-Miles me paraît assez tirée par les cheveux… (Et le lien avec la peinture de Miles Davis, pas si évident non plus…)

La même image se trouve sur mon site (déjà vieux également), accompagnée de cette phrase :

En art, on peut bâtir avec tout. Sauf un compromis.

Ce qui n’est pas si mal. Gainsbourg et Miles Davis n’étant, en effet, pas très portés sur le compromis, on va dire… Mais Marguerite Duras non plus, et pas qu’elle si on va de ce côté… rien donc qui éclaire cette fortuite (mais, évidemment, pas tout à fait quand même) "congruence". 

dimanche 26 mai 2013

Petit ajout (pour La Rouge)...

...histoire de voir un peu mieux un petit bout de ce que l'intention de la dame aux lunettes place devant elle...


samedi 18 mai 2013

Sans expérience

« Quand y é cinq heures et demi du matin pis qu’tu sors du métro, t’é entouré de vieux immeubles sombres et sales. Tu rencontres personne. Y fait encore noir comme chez l’yâbe vu qu’on é en plein mois d’janvier. »

Avoir une job était bien la dernière chose que je me serais souhaitée, mais j’étais tellement perdu que tout ce que je pouvais faire, c’était d’en chercher une.

Je marchais à l’aveuglette, encore englué dans ma nuit trop courte. Quand j’ai enfin trouvé l’adresse inscrite sur mon tit papier, il y avait déjà un gars qui attendait, qui faisait les cent pas, en habit-cravate-p’tite-valise. (Même un péteux peut être perdu-fucké-malpris.) Un bref regard. Pas de sourire. Froid. On a fait les deux cents pas.

« Si un gars aux airs de p’tit boss attend avec un gars aux airs de robineux, souvent c’é pasque y en a un des deux qui s’é trompé d’adresse. Souvent. »

Quand quelques autres gars dans mon genre se sont joints à nous et qu’on est entrés dans une salle crasseuse où traînaient quelques chaises branlantes disposées autour de petites tables sur lesquelles s’empilaient des formulaires qu’un gros lard empestant le cigare nous a enjoints de remplir en distribuant des stylos à la volée, j’ai su qui s’était mis le doigt dans l’œil.

« Tu remplis ton formulaire pis tu vas le mettre sur la pile qu’un gars à lunette croches, à dents rares et jaunes, va ensuite aller docilement porter au gros lard. Après ça, tu t’assis pis t’attends. »

Regards qui fuient. Doigts qui tapotent. Pieds qui trépident.

Mon tour est venu. Le gros lard m’a appelé dans son bureau. En regardant alternativement le formulaire et moi :

- Tu aimer ça le travailler dewors? (C’t’un anglo.)

Il me demande si je suis bien habillé pour le froid. Je pense que non et je dis oui. Il me baragouine quelque chose moitié en anglais, moitié en français, que je comprends presqu’à moitié et je quitte les lieux avec les cinq autres gars qui attendaient encore dans la « salle aux formulaires » sauf, bien sûr, mon tchomme habit-cravate qui reste là tout seul comme un écarté et à qui je lance mon plus radieux sourire en sortant.

On grimpe dans un taxi, payé par le gros lard apparemment. En chemin, on a parlé d’à peu près n’importe quoi jusqu’à ce que je réalise qu’aucun de nous ne savait où on allait. Après, j’ai écouté distraitement en me demandant si je n’aurais pas mieux fait de rester couché.

On s’est ramassés dans un immense garage où étaient entreposés des wagons et des locomotives et où une insoutenable odeur de gaz te montait à la tête.

- Faites vous en pas, on s’habitue. On a d’mandé d’avoir un lift électrique mais tsé comment c’kessé…

Je le savais pas encore.

« Au bout de dix minutes à balayer vigoureusement, tu commences à te d’mander QUOI balayer. Dix autres minutes plus tard, c’est POURQUOI qu’le gars t’a choisi toé pour balayer que tu commences sérieusement à te d’mander. À c’moment-là, d’habitude, le gars vient t’chercher pour te faire faire une autre job. »

En suivant le gars dehors, j’étais content. De l’air, enfin!

Après pas longtemps, j’étais là, tout seul avec mon pic, à essayer de briser la glace qui bloquait un embranchement de voies, quand j’ai senti mes oreilles brûler et mes doigts s’engourdir. Je n’avais ni tuque ni gants. Au même moment, comme si je venais de me réveiller tout d’un coup, j’ai réalisé que je n’avais pas la moindre idée de qui m’avait engagé, pas plus que de combien on me paierait pour me geler les oreilles, les doigts et le cul. (SI on me payait!)

« C’é toujours quand t’é l’plusse cassé que tu t’fais l’plusse fourrer. »

Au dîner, à force de questionner à droite et à gauche, j’ai fini par apprendre que non seulement le gros lard n’était pas mon boss, mais qu’en plus, il prenait la moitié de mon salaire.

« Tu ramasses té p’tits. Tu r’tournes te coucher. Après une coupe de jours, vers trois, quatre heures du matin, tu vas t’dire qu’y va ben falloir que tu t’lèves le lendemain pis qu’t’en trouves une crisse de job. Tu vas penser à habit-cravate pis tu vas t’en rouler un p’tit dernier avant d’aller te coucher… »

samedi 11 mai 2013

Vaine quête du vrai

toujours tu entendras
les nuages estropiés
le destin qui se tait

l’homme hypothétique se lève
l’homme virtuel s’exclame
l’homme potentiel s’extasie

la vérité n’est ni chaste
ni pure

la vérité est une grimace qui se cache