samedi 2 août 2014

En cette lointaine époque où ma timidité prenait encore l’autobus…

Depuis un bon moment déjà, je lui lançais de rapides regards obliques, cherchant une quelconque observation susceptible d’amorcer la conversation. Chaque tentative était soumise à un sévère examen, anticipation analytique des multiples possibilités d’enchaînement. Ce petit manège eut pour conséquence prévisible de me confiner dans un mutisme empreint de sudation. Elle se leva bientôt pour être aussitôt remplacée par un lourdaud empestant l’alcool qui se considéra d’emblée comme responsable de mon embarras non encore dissipé. Il me toisa sournoisement pour ensuite me lancer avec son plus suave sourire : « Ch’te dérange-tu ti-gars? »

Un léger hochement de tête ayant suffi à éluder la question, je sombrai peu à peu dans une rêverie à peine perturbée par les soubresauts du poivrot qui somnolait déjà. Coincé entre le pochard et la fenêtre, je souriais à l’idée qu’une brève rupture dans le temps avait suffi à transformer l’objet d’une ultime aspiration en un amas inerte et puant, symbole grotesque du poids de la réalité…

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