samedi 2 février 2013

Does Virginia Woolf ever smell like teen spirit?


Blue a récemment partagé un extrait d’une lecture de Virginia Woolf par Patti Smith qui ne pouvait que me prendre aux tripes. D’abord parce que la singularité et l’intégrité de l’œuvre de Virginia Woolf en font une artiste absolument hors normes. (Ce qui n’empêche que ses livres me restent encore passablement hermétiques. Je n’en ai lu que deux, à vrai dire, outre son journal. Mais ce dernier dresse un tel portrait de son entreprise littéraire – intellectuelle devrais-je dire, ou même de vie, puisque justement son journal dévoile son impossibilité d’être autrement qu’entièrement plongée dans une démarche d’écriture en constante évolution et dont la finalité la dépasse et l’emporte, la possède jusqu’à l’obsession dévastatrice – son journal dis-je, dresse un portrait extrêmement troublant d’un engagement créateur fiévreux, voire délirant – bien que porté par une rigueur, une cohérence tout à fait exceptionnelles – qui a mené à un raffinement des techniques narratives d’une fécondité qu’on est encore loin d’avoir épuisée, me semble-t-il.) Mais à l’origine de mon émoi, il y avait surtout la présence et la voix uniques de Patti Smith, autre artiste monumentale à l’authenticité infiniment inspirante pour moi, sans parler bien sûr d’une luxuriance langagière pour le moins inattendue dans l’environnement musical d’où elle a émergé. Ce qui m’amène à l’interprétation.

C’est toujours fascinant de voir comment un artiste s’approprie l’univers d’un autre. Et la manière dont c’est fait illustre à quel point le sens ainsi donné au mot « appropriation » est révélateur de la source profonde de son art. (J’écarte évidemment tous les opportunistes qui tentent de faire leur le succès d’un autre pour en compter au moins un à leur tour…) On se dit que, forcément, plus un artiste se distingue, plus son art est singulier, plus son interprétation d’une œuvre, quel qu’en soit l’auteur, s’écartera de l’œuvre originale pour s’approcher de la sienne propre, au point de s’y confondre. Et c’est souvent le cas en effet, pour notre plus grand bonheur. Mais là où ça devient sublime, c’est quand l’écart apparemment abyssal entre l’œuvre originale et son interprétation en révèle paradoxalement une dimension fondamentale qui nous avait jusque-là échappé.

Et c’est précisément à Patti Smith que je dois l’exemple le plus remarquable (à mon oreille) de ce phénomène rarissime. Sur l’album « Twelve » (2007), entièrement consacré à des reprises, elle nous fait notamment entendre un Kurt Cobain que nul avant elle je crois, n’avait aussi finement perçu. Et voilà ce que ça donne :



Pour ceux qui ne la connaissent pas, j’ajoute ceci (datant de 1979) - la qualité est un peu atroce, mais c'est pour que vous ayez une petite idée d’où elle vient :

6 commentaires:

  1. Passionnant, j'y reviendrais dès mon sommeil rompu.

    RépondreSupprimer
  2. HO wouah !
    je découvre la reprise... en boucle.
    Merci Plumi!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. : )
      ah dis donc Laure, si jamais ça te tente d'explorer un peu, tous les extraits de la même prestation de 1979 valent le détour (malgré la qualité d’enregistrement), mais en voici un qui donne tout particulièrement la mesure de la sensibilité artistique et de la présence vraiment unique de cette femme au tempérament éblouissant : 7 Ways of Going...

      Supprimer
  3. Elle est unique comme chaque artiste qui parle son propre langage. C'est une grande dame de la musique.

    RépondreSupprimer
  4. un p'tit bijou de 54 minutes

    https://www.youtube.com/watch?v=NV2-IZFgH2U


    (désolée je n'arrive jamais à faire de lien cliquable)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ah merci Rainette et bienvenue! petit bijou en effet et qui vaut bien le petit effort d'un copier-coller :)

      Supprimer