dimanche 30 juin 2013

Propagation


en un sens
qu’une seule idée
tombe malade
et c’est l’esprit
tout entier
qui devient souffreteux

vendredi 28 juin 2013

Trouver sa juste place exige une lucidité à l’égard de soi qui, sans être de l’humilité, n’est pas exempte d’une certaine modestie…

DE LA VANITÉ DES ARTISTES. – Je crois qu’une trop grande vanité fait ignorer aux artistes ce dont ils sont le mieux capables : leur esprit vise à quelque chose de plus altier que de paraître seulement de petites plantes nouvelles, étranges et belles, capables de croître sur leur sol dans une réelle plénitude. La production dernière de leur propre jardin, de leur propre vignoble n’est appréciée par eux que de superficielle façon : leur compréhension n’est pas du même ordre que leur amour. Voici un musicien dont la maîtrise plus que celle d’aucun autre excelle à trouver les accents propres aux âmes souffrantes, oppressées, martyrisées et même à donner le langage aux animaux muets. Nul ne lui est comparable dans les nuances de l’automne avancé, dans la félicité indescriptible d’une ultime et toute fugitive jouissance; il sait une résonance particulière à l’intime étrangeté des minuits de l’âme, où cause et effet paraissent se disjoindre alors qu’a tout instant quelque chose peut naître du « néant » : plus heureusement que tout autre il puise à la source souterraine de la félicité humaine et pour ainsi dire à la coupe vidée de cette félicité où les gouttes les plus âpres et les plus amères finissent par se mêler aux plus douces; il connaît cette lassitude de l’âme qui se traîne et ne sait plus bondir ni voler, ni même marcher : il a le regard effarouché de la douleur cachée, de la compréhension inconsolable, de la séparation inavouée; oui, en tant que l’Orphée de toute secrète détresse, il est plus grand qu’aucun autre et, d’une manière générale, il a enrichi l’art de maintes choses qui jusqu’alors paraissaient inexprimables et même indignes de l’art, de celles que la parole ne pouvait qu’éluder – réalités demeurées insaisissables, infimes et microscopiques de l’âme : en effet, il est le maître des réalités infimes. Mais il refuse de l’être! Son caractère aime bien plutôt les grands murs et les fresques audacieuses! Il lui échappe que son esprit a un autre goût et une autre propension et préfère résider silencieusement dans les recoins de maisons effondrées : – c’est là que dissimulé, et dissimulé à lui-même, il peint ses chefs-d’œuvre proprement dits, qui, tous fort brefs, ne durent souvent que le temps d’une mesure, – ce n’est que là qu’il se montre grand et parfait, uniquement là peut-être.  – Mais il l’ignore! Il est trop vaniteux pour le savoir.

Nietzsche (Le gai savoir)

lundi 24 juin 2013

Tragicomique

Drame. Quelques phrases, des gestes lents. À la frontière provisoire du jour. Nous vivons par déclinaisons successives. Puis, brusquement, grande apparition rouge vif! Sans cri ni violence. Tristesse rayonnante sur fond noir. Foudroiement silencieux de la grisaille. Éveil à la fois très long et très court. Le corps total s’incline.
Pourtant.
Ouvrir les yeux. Se tenir droit au cœur de la vibration enchevêtrant les jours et les nuits. Dérive de l’horreur, déroute des peurs. Nos têtes étonnées ballottées sur un fil. L’effritement général n’est plus TOUT L’HORIZON. Comédie.

vendredi 21 juin 2013

bon ben moéssi j’y vas a’ec ma toune de pré-saint-jean…

comme j'arrive pas, osti!, à insérer la vidéo que j'veux a'ec le gogosse de blogger, v'là l'lien (d'apras moé, ça vaut ben un tit clic ou deux...):

http://www.youtube.com/watch?v=TcGTIiSf6FQ

- Ajout du 23 juin, merci à Michael, voici la vidéo intégrée:

dimanche 16 juin 2013

Petite mort

la morsure des cris
fous
sans limite

la douceur des paupières
muettes
sans image

l’état
tremblant
du monde

au moment même où

son souffle trouve
d’instinct

l’image
irréelle

de son corps emporté




dimanche 9 juin 2013

Philo 101

Sans doute entre-t-il dans toute « vocation philosophique » une large part de vénération passionnée pour l’Erreur Sublime et Monumentale (Courageuse, en somme...).


dimanche 2 juin 2013

Plumigenèse

Je suis retombé sur un texte ancien, qui avait une toute autre vocation, et j’en ai extrait un petit bout touchant au processus de création que je vous livre ici - entre autres parce qu’il illustre parfaitement un échange récent là-dessus avec La Rouge :

J'étais donc chez moi en train de me débattre avec un portrait de Gainsbourg que j'essayais désespérément de peindre (ça n'a l'air de rien, je sais, mais rendre avec justesse l'esprit qu'abrite une gueule aussi typée, c'est pas de la tarte, surtout que là, on parle de quelqu'un qui a vraiment tout fait pour masquer sa sensibilité)… Bref j'étais là, un pinceau dans chaque main, un autre dans la bouche, me précipitant dans la salle de bain avec mon barbouillage à la main pour le foutre sous la douche une énième fois (j'utilise un papier diablement résistant), histoire d'éliminer quelques couches partiellement séchées, pour introduire un peu d'aléa dans le processus, je ne sais trop, enfin, invoquer les puissances hasardeuses pour que se révèle enfin à moi ce que je cherchais sans trop savoir ce que c'était, vous voyez? Bref, je suais sévère pour qu'enfin la fièvre m'habite et que se dénoue l'énigme Gainsbourg que j'étais à m'inventer. Comme ça se passe toujours, j'ai carrément perdu la tête et dans la fougue j'ai totalement oublié Gainsbourg pour faire éclater la couleur et la vie; et merde si à la fin c'était pas lui! Vous pouvez imaginer la tronche que ça lui a value… Vaguement extraterrestre… J'étais pas mécontent du résultat quand même; bon, d'accord, c'était pas du tout ce que je voulais faire au départ, mais alors là pas du tout, je lui avais d'abord peint un arrière-plan soigneusement choisi pour bien illustrer son rapport aux femmes assez contradictoire, il me semble (je veux dire : l'image publique d'un côté, et ses rapports réels avec les femmes de sa vie de l'autre), et voilà qu'à la dernière seconde j'avais couvert tout ça d'un jaune vibrant où dansaient des formes aux accents vaguement africains… Et vous savez quoi? J'ai mis un certain temps à m'en rendre vraiment compte, mais j'avais peint Gainsbourg dans la peau d'un Noir! Et le fond, les motifs, tout ça, ben c'était tout bonnement de vagues réminiscences de la peinture de Miles Davis… J'ai pas du tout vu venir le coup mais "Black Gainsbourg", Gainsbourg-Davis, je crois pas que ce soit une association purement fortuite, vous voyez?





















Une bonne dizaine d’années plus tard, si jamais quelque lecteur d’alors se retrouvait ici, il découvrirait que cette digression n’était pas une simple stratégie textuelle, mais que j’étais réellement, et tel que décrit, en train de me batailler avec ce truc…

Bon, j’avais l’air d’avoir finalement abouti à une quelconque révélation, mais franchement, là, aujourd’hui, la relation Gainsbourg-Miles me paraît assez tirée par les cheveux… (Et le lien avec la peinture de Miles Davis, pas si évident non plus…)

La même image se trouve sur mon site (déjà vieux également), accompagnée de cette phrase :

En art, on peut bâtir avec tout. Sauf un compromis.

Ce qui n’est pas si mal. Gainsbourg et Miles Davis n’étant, en effet, pas très portés sur le compromis, on va dire… Mais Marguerite Duras non plus, et pas qu’elle si on va de ce côté… rien donc qui éclaire cette fortuite (mais, évidemment, pas tout à fait quand même) "congruence".