samedi 26 avril 2014

Mon ermitage coloré

J’ai élu domicile au cœur de la montagne :
Sur la voie des oiseaux, il n’est plus trace humaine.
Qu’y a-t-il autour de mon jardin?
- De vagues rochers qu’embrassent les nues blanches.
Cela fait bien des ans que je vis en ces lieux
Et maintes fois j’ai vu l’hiver fondre en printemps.
Aux riches allez dire, et aux gens de la Cour,
Qu’un nom vide ne sert, pour sûr, à rien!

(Écrit sur un rocher, il y a de cela douze siècles, par Han-shan, poète et vagabond.)


Une timide lumière s’insinue dans mon salon pour atterrir sur un magma de couleurs que j’ai échappé sur une feuille.

La spontanéité, c’est l’accord fulgurant du geste et de l’idée.
Cette idée-là pour être livrée intacte ne doit pas être réfléchie.

                        La pureté seule du geste
                                    sans hésitation
                                    ni labeur
                        la révèle…

Le hasard lui, ne révèle que lui-même.

En fait, je n’échappe rien; c’est le résultat qui m’échappe.

   Je sonde l’inconnu à grands coups de traits
               de souffle
                           de couleurs
                                          de mots
sans garantie
sans certitude

                        qu’il en sortira quelque chose

samedi 19 avril 2014

Ravissement

...il ne s’agit pas tant de croire ou de ne pas croire


il s’agit d’être ou non EN CONTACT...

jeudi 17 avril 2014

Tite zique du jeudi soir

J’en ai déjà parlé ici, une des choses qui me fascinent en musique, c’est cette capacité des grands musiciens à intégrer la voix d’un autre, pour la porter ailleurs. (La musique se prête merveilleusement à cet exercice, mais le phénomène est évidemment présent dans tous les arts. C’est un peu l’antithèse du plagiat, où des incapables s’approprient la création d’un autre en cherchant pitoyablement à la faire passer pour leur, sans rien y ajouter, l’amenuisant plutôt, confirmation que leur insuffisance ne se situe pas tant au niveau créatif qu’à celui de la simple aptitude à saisir la valeur et le sens de ce qu’ils reproduisent bêtement.)

Tout ça pour dire que, tout à fait par hasard, je viens de tomber sur ce qui suit, qui me renverse une fois de plus. Me semble qu’il aurait tripé Coltrane, d’entendre ça (moi oui, en tout cas!) :







La Source :

samedi 12 avril 2014

BIPOLARITÉ




















Nous pourrons, par une manipulation discrète, être quittes des fruits du hasard.
Il nous suffira de confondre l’expérience sensible et l’isoloir offert à la conscience projetée dans le monde.

samedi 5 avril 2014

La fois où j’ai vu rouge

(Pastiche : un Québécois qui essaye d’écrire comme Djian à l’époque où ce dernier écrivait lui-même comme le traducteur de Bukowski…)
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On devait être un mardi. En tout cas, rien n’interdit de le supposer. Donc, mardi. Je m’étais levé un peu plus tard que d’habitude vu que la veille… Enfin, peu importe la veille, il était près d’une heure lorsque j’ai ouvert l’œil. Un seul. Je n’ai ouvert qu’un seul œil et tout de suite ça m’a fait mal. Un poignard à la lame rouillée qu’on me tortillait au-dessus du sourcil droit.

Je me suis traîné jusqu’à la salle de bain. Débâcle. Ça allait un peu mieux. J’étais trempé de sueur, pâle comme un linge, mais ça allait.

Le café me brûlait gentiment l’estomac et je me répétais : mardi, mardi, mardi, mardi, mardi, mardi… Merde! MARDI! Quelle heure peut-il bien être? Une heure trente-huit. Merde! J’avais rendez-vous à DIX HEURES TRENTE avec un type de l’assurance chômage. Meeeerde…

Retour aux cabinets.

On choisit précisément ce moment-là pour sonner à ma porte. Qu’il (ou elle) aille se faire foutre. Il (ou elle) insiste. Enculé(e)! J’expédie le boulot et me dirige, furibard, vers la porte, traînant à ma suite un de ces relents…

- QU’EST-CE QUE C’EST? (J’ai ouvert en hurlant. Deux policiers en uniformes se tiennent là, mentons arrogants pointés vers moi.)
- Vous êtes bien Jobidon Marcel, habitant au 8590 Mongrain?
- Non.
- Vous n’habitez pas ici?
- Oui
- Et bien, alors?
- Alors quoi?
- Vous êtes Jobidon Marcel!
- Bon. Et après?
- La dame qui habite en face a retrouvé son chien, ce matin, abattu d’un coup de batte de baseball. Elle affirme que vous avez fait le coup. Où étiez-vous entre onze heures hier soir et quatre heures ce matin, monsieur Jobidon?
- Est-ce que vous vous foutez de moi?
- Voulez-vous répondre à ma question je vous prie…
- D’accord, je vous réponds. Mais c’est bien parce qu… Peu importe pourquoi. J’étais chez moi, occupé à assassiner à petit feu une bouteille de whisky, et en quoi est-ce que ça vous regarde, je vous prie?
- Quelqu’un peut-il en témoigner?
- Ne comptez pas sur le whisky en tout cas… Bon. J’ai assez perdu de temps avec vos conneries. Allez faire joujou plus loin et laissez les grandes personnes tranquilles. (Et sur ce - vlan! - je claque la porte.)

Sonnerie. Resonnerie. Reresonnerie.

Conneries.

- Vous désirez quelque chose? (Susurrai-je.)
- Ne crois pas t’en tirer si facilement Jobidon. Je crois bien qu’on va suivre de près tes petites affaires…
- C’est ça. Ne vous gênez pas. Et si vous êtes amateurs de musique de chambre, vous pouvez toujours foutre des micros dans mes chiottes. Maintenant, bon vent!

Revlan! Pour de bon cette fois.

Cette foutue connasse… Un de ces quatre matins, c’est ses fausses dents que je vais lui faire valser à coups de pied au cul.

Je m’ouvre une bière, histoire de me calmer un peu. Qu’est-ce que je vais raconter à cet enfoiré du bureau de chômage?

Je me fume un pétard, histoire de me donner des idées. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter au taré du bureau de chômage?

Une autre bière.

Un autre pétard.

Évanoui le mal de crâne…

J’étais là, me répétant inlassablement la même question. Pas la moindre idée. Rien.

Puis, sans transition, j’étais devant ma machine à écrire. J’écrivais. Un long poème où il était question d’un type, un psychothérapeute qui, à force de fixer des taches d’encre qui déclenchaient chez une patiente (une fillette d’à peine dix ans) de violentes crises d’épilepsie, était devenu lui-même complètement cinglé. En fait, il avait absorbé une bonne dose de LSD avant de sombrer dans la contemplation des taches qui avaient alors pris la forme d’une tête ensanglantée rattachée au… Merde! Le téléphone maintenant.

- OUAIS? (J’ai gueulé dans l’appareil.)
- Monsieur Marcel Jobidon?
- Soi-même ma poulette. Je peux vous être utile à quelque chose?
- (Toussotement.) Eh bien, vous pourriez, par exemple, m’expliquer le motif de votre absence à votre rendez-vous de ce matin avec monsieur Lacasse, du bureau d’assurance chômage.
- (Silence)
- Vous êtes toujours là monsieur Jobidon?
- Oui
- (Silence)
- (Silence)
- Désirez-vous que je répète ma question?
- Vous seriez gentille…
- Vous étiez censé rencontrer, ce matin à dix heures trente précises, monsieur Lacasse du bureau d’assurance chômage. Vous ne l’AVEZ PAS FAIT. Puis-je savoir POURQUOI?
- Vous ne me croiriez pas.
- Dites toujours.
- Et bien voilà. En me rendant ce matin à mon rendez-vous avec monsieur… monsieur…
- Lacasse.
- C’est ça, Lacasse. Eh bien, en me rendant à mon rendez-vous, je suis tombé (à quelques portes seulement du bureau) sur un type étendu par terre, recroquevillé sur les marches d’un perron. Les gens passaient, indifférents, s’imaginant que le type était saoul ou s’en foutant tout simplement. Mais au moment où je passais devant, il a laissé échapper un râle et…
- Monsieur Jobidon, vous devrez fournir une PREUVE du sérieux et de la gravité du motif de votre absence à ce rendez-vous. D’ici là, le versement de votre allocation sera interrompu.
- Mais écoutez, je ne connais même pas ce type qui…
- Je regrette monsieur Jobidon. Nous vous ferons parvenir un avis écrit de suspension du versement de votre allocation. Si vous désirez mettre fin à cette mesure, nous vous prions de faire la PREUVE du SÉRIEUX et de la GRAVITÉ du motif de votre absence. Au revoir, monsieur Jobidon.
- M…

Merde.

J’en oubliai la fin de mon poème.

Je me roule un dernier pétard avec un fond de sac poudreux et un reste de tabac sec. J’allume. Ça a un goût de chiffon sale trempé dans du beurre rance. Une bière. Il me faut ABSOLUMENT une bière pour faire passer le sale goût de cette poisse. Le frigo contient trois choses : un vieux camembert grisâtre et ratatiné, un reste de céleri mou et un tube d’onguent contre les hémorroïdes. Pas de bière.

Bon.

Je ramasse la monnaie qui traîne, vide mes tiroirs, fouille sous le lit, dans les poches de pantalons sales qui traînent ici et là. En ajoutant les bouteilles vides (j’en ai pour deux gros voyages), j’ai de quoi me payer deux packs de six et des chips.

Je dépose un premier voyage de bouteilles au dépanneur du coin et retourne aussitôt chercher le reste et la monnaie.

Mes clefs…

Sur la table. Avec la monnaie.

Si une seule fois dans ma vie, je devais voir rouge, ça aurait dû être celle-là.

Je suis retourné au dépanneur. J’en avais pour trois bières.

Bon.

Voilà. J’ai fait ce que j’ai pu. Pas moyen. Malgré cette journée merdique, malgré mes intentions et même le titre de cette histoire, je n’ai pas vu rouge. Je n’ai pas pu.

Désolé.

Ah oui! J’allais oublier. C’est à ce moment précis qu’une flotte à noyer un rat s’est mise à me dégringoler dessus.

Évidemment.